USB toi-même

12 mars 2024 - 09:30,

Tribune

- Cédric Cartau
En 1152, la reine de France Aliénor d’Aquitaine faisait annuler son mariage avec le roi Louis VII. Elle quittait Beaugency pour le Poitou afin de se marier avec Henri Plantagenêt. Sur le chemin, elle subit deux tentatives d’enlèvement (l’une par Geoffroy, le frère d’Henri, l’autre par le comte de Blois). Il semble que cette pratique était courante au xiie siècle : celui qui aurait réussi à l’enlever aurait pu l’épouser. On ne juge pas : c’était juste la version Tinder de l’époque.

Si j’en crois le dernier numéro hors série du Courrier international consacré à l’IA sous toutes ses coutures (février-mars 2024, n° 99), non seulement il ne sera plus nécessaire d’en arriver à ces extrémités pour pécho, mais en plus, au train où vont les choses, une simple requête en langage naturel dans un PechoGPT vous permettra d’avoir un date en fin de journée et même de faire réserver le restaurant – et plus si affinités.

D’ailleurs, au restau avec votre rencard soigneusement sélectionné par l’IA (à moins que ce ne soit vous que l’IA aura sélectionné, allez savoir), vous pourrez parfaitement savourer vos plats en écoutant de la musique d’ambiance générée à 100 % par de l’IA avant de vous rendre dans un cinéma où scénario, réalisation, acteurs, voix, effets spéciaux, bref, tout le toutim, auront été 100 % générés par de l’IA. Et faire un selfie avec votre date 100 % retouché par de l’IA. À votre demande, l’IA s’occupera de tout, du rendez-vous jusqu’à la réservation de l’hôtel. Il est pas beau le progrès ?

Pire encore – ou mieux, c’est selon : si vous avez été déçu(e) de la nature humaine et des dates sans suite, vous pourrez bientôt converser avec une IA en ligne (Xiaoice Virtual Boyfriend est la plus connue) qui sera configurée pour être votre petit(e) ami(e), vous vous confierez à elle (lui) et elle (il) se confiera à vous à cœur ouvert (bon, côté RGPD, on aura deux ou trois sujets à régler, mais c’est un détail). D’ailleurs, en couplant Xiaoice avec un générateur de DeepFakeX en ligne, vous pourrez même avoir une idée assez précise des courbes de la personne en question en tenue d’Adam (je sais, c’est horrible, sachez que je ne valide pas du tout).

Alors je vous le demande, à l’ère où il va bientôt être possible de réserver directement en ligne avec dix ans d’avance des cours de piano à la progéniture que vous n’avez pas encore eue avec le date que vous n’avez encore jamais rencontré et avec qui vous allez finir la nuit, l’un d’entre vous, honorables lecteurs, pourrait-il m’expliquer pourquoi :

– On n’est toujours pas fichu de maintenir à jour les OS de nos serveurs ?

– On n’est toujours pas fichu de relier un DPI à une modalité d’imagerie sans déployer des mois-hommes d’efforts ?

– On n’est toujours pas fichu de gérer les plannings des personnels soignants dans les services autrement qu’à la gomme et au crayon ?

Souriez, on est en 2024.


L'auteur

Responsable Sécurité des systèmes d’information et correspondant Informatique et Libertés au CHU de Nantes, Cédric Cartau est également chargé de cours à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). On lui doit aussi plusieurs ouvrages spécialisés publiés par les Presses de l’EHESP, dont La Sécurité du système d’information des établissements de santé.

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