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Entrepôts de données de santé hospitaliers et données de vie réelle, quels constats ?

22 nov. 2022 - 10:15,

Tribune

- Marguerite Brac de La Perrière
Si les registres (notamment du cancer) sont encadrés depuis près de 20 ans, ce n’est qu’il y a quelques années qu’un régime consacré aux Entrepôts de Données de Santé s’est esquissé, avant d’être encadré par le référentiel relatif aux Entrepôts de Données de Santé (applicable aux « responsables de traitements qui souhaitent, dans le cadre de leur mission d’intérêt public, réunir des données en vue de leur réutilisation »[1], les premiers concernés étant les établissements de santé.     

Pour mémoire, s’agissant des finalités d’utilisation des données des Entrepôts de Données de Santé, le référentiel prévoit « lorsqu’ils sont mis en œuvre exclusivement à partir des données de l’entrepôt par les personnels habilités du responsable de traitement et pour son usage exclusif, certains traitements peuvent être mis en œuvre dans le cadre de la déclaration de conformité au présent référentiel (production d’indicateurs et le pilotage stratégique de l’activité, sous la responsabilité du médecin DIM ; amélioration de la qualité de l'information médicale ou l’optimisation du codage ; fonctionnement d’outils d’aide au diagnostic médical ou à la prise en charge ; réalisation d’études de faisabilité (pré-screening). ». En dehors de ce cadre, les traitements à des fins de recherche, d’étude ou d’évaluation dans le domaine de la santé, par le responsable du traitement créateur de l’Entrepôt de Données de Santé, ou un tiers conformément la gouvernance de l’Entrepôt de Données de Santé mise en place, doivent être mis en œuvre dans le respect d’une méthodologie de référence ou d’une autorisation de la Cnil.

Ainsi, les Entrepôts de Données de Santé et le Système National des Données de Santé (SNDS), constituent aujourd’hui les principaux gisements de données de vie réelle, c’est-à-dire des « données qui ne sont pas collectées dans un cadre expérimental (le cadre notamment des essais randomisés contrôlés, ECR), mais qui sont générées à l’occasion des soins réalisés en routine pour un patient, et qui reflètent donc a priori la pratique courante »[2], lesquelles suscitent un intérêt croissant pour :

- étudier l’usage, l’efficacité et la sécurité des produits de santé, 

- suivre et améliorer la qualité des soins, 

- réaliser des études épidémiologiques

- faciliter la veille sanitaire. 

C’est dans la perspective de mobiliser ces données de vie réelle, dans le cadre de ses missions, que la Haute Autorité de Santé (HAS) a réalisé un état des lieux des Entrepôts de Données de Santé Hospitaliers (EDSH) en France, lequel a été conduit en sollicitant différents acteurs de l’écosystème en l’absence de recensement des EDSH en France à date en dehors de cette initiative, la même remarque pouvant d’ailleurs être formulée concernant les EDS privés. 

Parmi les constats, la nécessité pour les EDSH de bénéficier d’une équipe pluridisplinaire associant un spécialiste des données de santé, la DSI pour « s’intégrer dans le paysage informatique », la DRCI, le DIM et les pôles cliniques pour définir et porter les cas d’usage, outre le juridique s’agissant du cadre légal de la réutilisation des données, notamment concernant les demandes d’autorisations Cnil.

Les partenaires privés désirant utiliser les données sont présentés comme « majoritairement des entreprises désireuses d’améliorer le recrutement pour la recherche clinique à partir des données de l’EHDS, c’est-à-dire améliorer les études de faisabilité ou pré-screening », étant toutefois précisé que les études en cours dans les EDHS apparaissent inégalement référencées sur les sites des hôpitaux ou sur les portails d’études des établissements lorsqu’ils en disposent, et que « les usages autres que les études scientifiques en cours ne sont que très rarement documentés publiquement ». A cet égard, on ne s’étonnera pas faute de lisibilité du cadre légal pour les acteurs de l’innovation.

En matière de transparence, la HAS relève « une information des patients de meilleure qualité sur la réutilisation des données les concernant est nécessaire ». 

Pour rappel, chaque établissement est tenu au titre du référentiel ou de l’autorisation de la Cnil accordée, de mettre en place un portail transparence tenant à jour les études en cours, et ce afin de permettre aux patients d’exercer leurs droits. 

Par ailleurs, la HAS relève de manière plus globale une grande hétérogénéité des EDHS, notamment concernant l’architecture technique, le suivi de la qualité de la donnée, les modèles de données, les méthodes d’extraction des variables, les catalogues de données, et invite à la définition de schémas de données partagés et de nomenclatures communes, soutenue par une coordination nationale sur ces sujets. 

Si les modes de gouvernance convergent grâce au référentiel l’ayant articulée autour d’un comité de pilotage et d’un comité scientifique et éthique, la lisibilité institutionnelle et le référencement dans un catalogue national des EDHS sont souhaitables.

Enfin, le sujet des ressources propres à l’EDSH, à la fois humaines et financières, apparaît crucial. L’appel à projet de 50 millions d’€ soutiendra des EDS hospitaliers à constituer, et des EDS existants matures. Mais un modèle économique doit toutefois être trouvé de manière indépendante, lequel trouvera ses fondements dans les conditions de valorisation des données de santé par les producteurs, le fameux serpent de mer…

Les EDS étant destinés à alimenter la Plateforme des données de santé (anciennement Health Data Hub), laquelle Plateforme est elle-même destinée à alimenter l’Espace Européen des Données de Santé, tout l’enjeu est désormais de standardiser, dans le respect de la réglementation.


[1] Référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre à des fins de création d’entrepôts de données dans le domaine de la santé

[2] Rapport « Les données de vie réelle, un enjeu majeur pour la qualité des soins et la régulation du système de santé », mai 2017


L'auteur

Marguerite Brac de La Perrière est Avocate associée du cabinet LERINS, experte en Santé Numérique.
Elle accompagne les acteurs de la santé dans leur conformité réglementaire, leur développement et leur croissance, notamment en matière de traitements de données de santé & d’utilisation secondaire, d’intelligence artificielle et de contrats informatiques.


 

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