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Établissements de santé et médico-sociaux : l’intelligence artificielle est-elle un outil fiable et performant pour faire les plannings ?
28 mars 2025 - 10:37,
Actualité
- Mathilde Debry, DSIHÉcouter l'article

L’intelligence artificielle (IA) permet-elle une meilleure gestion du temps de travail au sein des établissements de santé et médico-sociaux ? D’après les résultats du challenge « Plannings : mettez l’IA au défi ! » dévoilés le 26 mars 2025 à Paris par l’Anap, la réponse est oui.
« Sur le classement que nous avons effectué, les quatre premières places du podium ont été attribuées à des cadres de santé qui s’étaient appuyés sur l’IA pour faire leur planning, la cinquième place étant occupée par un participant ayant simplement travaillé avec la méthode traditionnelle de Microsoft Excel. Le premier a obtenu la note finale de 95 sur 100 et le dernier de 27 sur 100 », détaille Matthieu Girier, directeur du pôle performance des ressources humaines de l’Anap. « Par ailleurs, sur les cinq solutions d’IA, il y en a trois qui arrivent sur les quatre premières places du palmarès. Cela démontre qu’elles sont fonctionnelles dans un environnement hospitalier normal, qu’elles sont capables d’apporter une plus-value aux cadres, qu’elles sont matures et qu’elles sont aujourd’hui déployables », estime-t-il.
« Là où l’on est certain qu’il y a un gain avec l’IA dans le domaine des plannings, c’est en matière d’ergonomie, que ce soit pour le cadre ou pour les agents. La question du bénéfice de l’intelligence artificielle ne se fait pas uniquement sur la notion du temps », poursuit-il.
« Nous avons également pu constater que deux candidats ayant utilisé la même solution d’IA pour réaliser leur planning n’ont pas obtenu le même score. Cela signifie que la maîtrise des fondamentaux de l’organisation du temps de travail par les cadres reste une expertise déterminante », analyse-t-il.
« Ce challenge très intéressant a montré qu’un bon outil bien utilisé peut et doit servir aux établissements et aux professionnels pour améliorer leur pratique »
« Ce n’est pas l’IA qui a remporté le concours, mais le cadre de santé avec un bon outil d’IA qui a gagné », souligne Judicaël Thevenard, chef du bureau systèmes d'information et transformation numérique des acteurs de l'offre de soins (PF5) de la direction générale de l'offre de soins (DGOS).
« Certaines solutions d’IA doivent gagner en précision »
L’IA a-t-elle toutefois montré des limites dans la conception des plannings ? « Certaines solutions doivent gagner en précision pour être parfaitement acculturées aux établissements sanitaires et médico-sociaux. La question de la finesse du fonctionnement et de la connaissance du milieu hospitalier reste un vrai sujet », explique Matthieu Girier.
Fabienne Dubois, directrice des soins au centre hospitalier des Sables-d’Olonne, attire également l’attention sur le problème de l’accès au numérique dans les hôpitaux. « Aujourd’hui, les cadres passent des heures à rentrer des plannings sur des logiciels qui rament, qui coupent, avec lesquels il faut sans arrêt tout recommencer. On ne peut pas imprimer, on ne peut pas se connecter... Donc l’intelligence artificielle, oui, mais avec des moyens informatiques qui soient à la hauteur. Sinon, cela ne fonctionnera pas et on va encore donner du travail supplémentaire et de la contrainte aux responsables », avertit-elle.
« Pour nous, encadrants, le planning occupe 50 % de notre quotidien »
Pourquoi l’Anap a-t-elle décidé de lancer cette expérimentation ? Le but est avant tout de donner du temps aux cadres pour faire autre chose que des plannings et aller chercher des moments qualitatifs. « Pour nous, encadrants, le planning occupe 50 % de notre quotidien. Le plus grand défi réside dans la gestion de l’imprévu et des absences de dernière minute… Même loin de l’écran, l’esprit reste rivé au planning », témoigne ainsi Delphine Reguer, cadre supérieur de santé au CH de Muret.
« Ce serait formidable de pouvoir nous alléger de cette charge pour être aux côtés des patients et des familles qui ont besoin de nous », juge également Gaëlle Gabriel, cadre de santé au CH Annecy Genevois.
Comment s’est déroulé le challenge de l’Anap ?
Mis en place le 6 mars dernier, ce duel inédit entre intelligence artificielle et expertise humaine s’est déroulé en plusieurs étapes. Après 390 candidatures reçues, 19 cadres de santé issus d’établissements publics et privés de toutes tailles ont été sélectionnés, puis se sont affrontés pendant une journée pour élaborer le meilleur planning.
« Neuf d’entre eux ont utilisé la méthode traditionnelle, tandis que les autres ont pu recourir à la solution d’intelligence artificielle de l’un des éditeurs participants (Hopia, Probayes, Swappy, Medhop, Optacare) », précise l’Anap.
En début de journée, les participants ont reçu un scénario inspiré de la vie réelle. « Les candidats ont eu trois heures chrono pour réaliser un planning d’un mois au sein d’un service de réanimation, intégrant à la fois des contraintes réglementaires, des impératifs légaux, les demandes spécifiques du personnel (congés, obligations familiales, etc.) et le respect de la permanence des soins imposée par la direction de cette équipe fictive », rapporte l’Anap.
Après une pause en milieu de journée, il a été demandé aux candidats de livrer un nouveau planning, car entre-temps, une épidémie fictive avait sévi au sein de l’équipe et mis à l’arrêt dix Infirmiers Diplômés d’État (IDE). « Une heure après, la mission des participants s’est complexifiée encore un peu plus, car l’encadrement supérieur du pôle fictif a indiqué de nouvelles contraintes liées à l’intensification de l’épidémie. Cette fois-ci, les participants ont eu à peine 45 minutes pour adapter leur planning ! », décrit l’Anap.
Après presque cinq heures de travail, les candidats ont pu rendre leur planning. Ceux-ci ont été enregistrés de façon anonyme, et un jury composé d’experts du secteur (Anap, adRHess, FHF, FHP, FEHAP, AFDS, ANCIM) a évalué la qualité de chaque travail en fonction d’une grille de critères précis.
« La grille d’évaluation comprenait plus de 50 critères pondérés. La réglementation était le plus important et constituait le socle de points, c’est-à-dire que le non-respect de la barre des 48 heures ou d’un certain nombre de protocoles d’enchaînements pouvait par exemple être éliminatoire. En deuxième position, l’observance des différents desiderata des agents faisait à chaque fois l’objet de points bonus. Savoir si le planning était rapidement lisible pour le cadre et pour les équipes était également une des données qui pesaient le plus lourd dans la balance », énumère Matthieu Girier.
« L’objectif que nous portons est de rééditer cet événement »
« Accompagner les éditeurs, poursuivre l’offre et appuyer sur le terrain les besoins des établissements, telle sera la feuille de route de l’Anap sur la thématique “IA et RH” pour l’année à venir. Notre objectif est de rééditer cet événement et potentiellement de montrer, dans un an ou deux, l’impact de l’évolution de la maturité des solutions d’IA qui progressent très vite aujourd’hui en matière d’apprentissage », conclut Matthieu Girier.
Si les récalcitrants au changement ne bloquent pas les processus, aller au-delà des plannings peut aussi s’envisager. « On trouve de l’IA partout aujourd’hui, que ce soit dans les diagnostics ou dans d’autres fonctions un peu moins connues des établissements comme l’admission/facturation », rappelle l’experte numérique de l’Anap, Anaëlle Valdois, en guise de conclusion.