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Intelligence Artificielle et prises de décisions thérapeutiques : Une médecine personnalisée pour tous ?
03 mai 2024 - 17:17,
Actualité
- DSIHFondée en 2017 par deux médecins et une ingénieur informatique, Synapse Medicine combine les dernières technologies d'intelligence artificielle avec des connaissances médicales approfondies pour fournir des solutions de prescription innovantes et sûres. La solution a déjà convaincu plus de 300 établissements hospitaliers français et représente, en 2024, quasiment 1/3 des prescriptions de ville. Capable de répondre aux besoins des DPI, grâce à sa base de données et ses modules adaptatifs, Synapse est déjà une référence incontournable dans le domaine. Nous sommes allés à la rencontre de Dr. Clément Goehrs, Co-Fondateur et CEO de cette start-up bordelaise aux ambitions internationales.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et des motivations qui vous ont poussé à co-fonder Synapse-Medicine ?
J’ai une formation de médecin en santé publique et j’ai étudié la bio-informatique à l’Université de Stanford en Californie. Avec mes associés Louis Létinier, co-fondateur de Synapse, médecin et docteur en pharmacologie et Alicia Bel-Letoile, co-fondatrice, ingénieure et CTO, nous avions identifié un réel besoin d’assistance dans le processus de prescriptions médicamenteuse, en particulier pour les cas complexes nécessitant de traiter de nombreuses données.
Initialement animés par un défi intellectuel et une volonté d'innovation, nous avons entrepris le développement d'un outil informatique de manière autonome. Rapidement, notre solution a suscité un vif intérêt et nous avons été contraints de formaliser notre démarche en créant une entité dédiée pour répondre à la demande. C'est ainsi que Synapse Medicine a vu le jour.
Il y a, en effet, une réelle problématique de santé publique autour de la prescription médicamenteuse avec environ 30 000 décès et 150 000 hospitalisations par an en France. Et je ne parle pas des chiffres à travers le monde.
Face à une population mondiale vieillissante et une augmentation significative des maladies chroniques, la prescription tend à devenir de plus en plus complexe.
Comment fonctionne l’algorithme de Synapse et la base de données médicamenteuses Thériaque sur laquelle il s’appuie ?
Nos algorithmes se basent sur des connaissances médicales existantes rédigées par différents acteurs institutionnels et académiques comme les autorités de santé, les notices de médicaments ou les recommandations des sociétés savantes.
Nous extrayons cette littérature scientifique afin de la structurer et la faire interagir. Grâce à cela, l’IA est capable d’indiquer ce qu’il est déconseillé de faire en fonction des effets indésirables, des interactions médicamenteuses, des contre-indications…
Puis, dans un second temps, l’IA propose des recommandations de traitement en première, deuxième, troisième intention…, suggère une posologie évolutive ainsi que des accompagnements indispensables à mettre en place : prises de sang, suivis infirmiers, dispositifs médicaux…
Bien entendu, l’IA se base à la fois sur le diagnostic du médecin mais aussi sur le dossier médical du patient. Plus ce dossier sera fourni, plus l’IA gagnera en précision.
Pour nos utilisateurs, cela se traduit concrètement par des petits modules d’interface, que l’on appelle des widgets, qui embarquent l’intelligence de la base de données en venant s’intégrer directement aux logiciels des cabinets ou des établissements hospitaliers. Nous pouvons également fournir directement les API pour celles et ceux qui préfèrent cette alternative.
Par exemple notre dernière innovation repose sur l'utilisation de l'intelligence artificielle générative à travers des modèles de LLM (Large Language Models), rigoureusement encadrés et enrichis avec notre base structurée de données médicamenteuse et certifiée par la Haute Autorité de Santé (HAS). Cette approche nous permet de fournir des réponses précises et sécurisées au prescripteur, éliminant les risques associés aux modèles d’IA généralistes et non encadrés, à l’image d’un chatGPT.
Cette approche marque une évolution significative dans le domaine de la santé, car elle offre la perspective de prescriptions personnalisées et fiables, optimisant ainsi les chances de succès thérapeutique pour chaque patient.
Nous sommes aussi très fiers que cette dernière innovation puisse proposer des plans de suivi personnalisé et soit un développement 100% français notamment généré par un modèle LLM de Mistral.
Quelle stratégie a été mise en place par Synapse, en accord avec les nouvelles réglementations européennes, pour la sécurisation des recommandations médicamenteuses et des données patients ?
Il s’agit, en effet, d’un sujet hautement sensible. La Medical Device Regulation (MDR) fait référence à la nouvelle réglementation de l'Union européenne qui vise à améliorer la sécurité et la transparence des dispositifs médicaux sur le marché européen. Devenue pleinement applicable en mai 2021, elle impose des exigences plus strictes en matière de surveillance et de traçabilité tout au long de la vie d'un produit médical.
Dans ce contexte, le processus d'obtention du marquage CE de selon la nouvelle réglementation est en cours et nous avons déjà effectué 75% du processus. Ce marquage se réfère à une catégorie spécifique de dispositifs médicaux présentant un « risque potentiel modéré à élevé » pour le patient ou l'utilisateur.
Obtenir le marquage CE selon la nouvelle réglementation nécessite beaucoup de temps et de moyens car elle implique des processus de documentation exhaustive, des essais cliniques rigoureux et une conformité stricte aux normes de sécurité et de qualité.
Les établissements de santé et les éditeurs de logiciels doivent non seulement prouver l'efficacité et la sécurité de leurs dispositifs, mais doivent également renforcer les mesures de surveillance post-marché afin d'évaluer la performance et la sécurité de ce dernier tout au long de sa commercialisation.
En s’implantant directement avec nos modules dans les logiciels des établissements, nous portons la responsabilité en tant que fabricant de dispositif médical, et assurons leur mise en conformité sans nécessiter leur intervention directe. C’est un gain de temps et de moyens significatifs.
Synapse ne rentre-t-il pas en concurrence avec les DPI (Dossiers de Patients Informatisés) ?
Bien au contraire, les DPI sont nos partenaires. Nous nous présentons comme un service complémentaire hautement spécialisé. Créer un DPI nécessite un travail titanesque. Il faut assurer la bonne conformité avec les réglementations de confidentialité, sécuriser des données très sensibles, intégrer et harmoniser des informations provenant de multiples sources en un système unifié et facilement accessible, tout en garantissant l'intégrité et la précision des informations…
Synapse se focalise sur l’aide à la décision et à la prescription, et c’est déjà beaucoup de travail. Pour le faire de façon précise, avec des performances à la hauteur des normes et des réglementations en vigueur, nous n’avons tout simplement ni le temps, ni les compétences pour nous consacrer à d’autres activités que les DPI feront bien mieux que nous.
Concevoir un logiciel métier n’est ni dans notre ambition ni dans notre ADN. La décision thérapeutique assistée reste et restera notre cœur de métier.
Comment imaginez-vous, dans un avenir proche, la place de l’intégration de l’intelligence artificielle dans le domaine médical ? Quels sont les bienfaits qu’elle peut apporter ? Et quelles sont les limites à ne pas dépasser ?
Je pense qu’il faut en revenir aux fondamentaux. L’intelligence artificielle ne remplacera jamais les professionnels de santé. La preuve, aujourd’hui, nous manquons cruellement de médecins et il est impératif de former et de recruter.
Les vraies questions qui se posent sont les suivantes : les technologies et les innovations peuvent-elles avoir un gain pour améliorer la santé des patients ? Dans quelle mesure viennent-elles en aide aux professionnels pour mieux soigner ? Peuvent-elles répondre aux problématiques des déserts médicaux ? Peuvent-elles aider à répondre au vieillissement des populations et aux pathologies qui y sont liées ?
Sur le sujet qui nous intéresse et que je maîtrise - l’aide à la décision et à la prise en charge médicamenteuse - je pense que l’IA a déjà fait ses preuves et deviendra incontournable. Ne pas l’utiliser n’irait pas dans le sens du progrès.
Si ces outils permettent aux médecins de gagner en efficacité tout en réduisant la charge mentale induite par des prescriptions parfois délicates, je ne vois pas de raisons légitimes pour s’en priver.
Donc, oui, c’est une évidence, l’IA va s’intégrer progressivement dans le paysage médical, avec un temps plus long que les autres secteurs car, on le sait, les protocoles de validation sont souvent plus exigeants dans nos métiers, et c’est bien normal.
Le vrai danger serait plutôt de ne pas anticiper son avènement et de ne pas être assez réactif. Je m’explique. Si en Europe nous ne sommes pas en mesure de proposer des outils assez performants dans ce domaine, nous nous trouverons rapidement dépassés par des concurrents américains ou asiatiques, dont le système de santé, le rapport au soin et les systèmes de sécurité sociale sont différents.
L’accès au soin pour toutes et tous est une des dimensions qu’il est indispensable de préserver en France et en Europe. Cela passe nécessairement par la maîtrise des outils apportés par l’IA, en lien étroit avec les réflexions éthiques propres à notre culture du soin.
Plus d'information : synapse-medicine.com