Retour d’expérience sur le déploiement de la téléexpertise dans un hôpital : Interview de Corinne Roldo, directrice de la stratégie au CHRU de Nancy
25 avril 2023 - 11:16,
Communiqué
- OmnidocQuels sont les enjeux identifiés par le CHRU de Nancy en termes de télémédecine et quelle stratégie de déploiement avez-vous décidé d’adopter ?
La télémédecine est un axe fort du projet médico-soignant. Au CHRU de Nancy, nous avons l’ambition de mettre en place tous les outils de télémédecine car nous sommes convaincus qu’ils sont des solutions à différentes problématiques que nous rencontrons. Par exemple, nous souhaitons améliorer le lien ville-hôpital et renforcer l’accessibilité de l’expertise du CHRU à tous les professionnels de santé du territoire, qu’ils soient des établissements périphériques ou des professionnels libéraux. Nous pensons que la téléexpertise constitue un formidable levier à cet égard.
Pour mettre en place ces projets d’envergure, le DG du CHRU et le président de la CME ont décidé de nommer dès 2014 un binôme médecin-directeur pour développer et porter la politique de télémédecine. On en était alors aux balbutiements de la télémédecine. Le binôme était constitué du Pr Mathias Poussel et de moi-même. Notre objectif était de mettre en place une politique de télémédecine et de déployer les cinq actes de télémédecine au sein du CHRU : la téléconsultation, la télésurveillance, la téléexpertise, la téléassistance médicale et la télérégulation. Puis il y a eu la crise Covid, et avec elle… une « explosion » des usages en télémédecine.
Notre rôle de binôme, avec le Pr Mathias Poussel, consiste à nous positionner en tant que facilitateurs. Nous avons mis en place un « guichet unique » : au sein de l’hôpital, nous sommes la porte d’entrée de tous les sujets liés à la télémédecine. Dès le début, nous partagions avec Mathias une conviction forte, aujourd’hui devenue la politique du CHRU, qui consistait à n’avoir qu’un seul dispositif par acte de télémédecine. Par exemple, pour la téléexpertise, nous utilisons Omnidoc, et tous les médecins de l’hôpital y recourent pour la téléexpertise de spécialité (hors neuroradiologie, AVC, EEG). Nous pensons que cette manière de procéder est plus efficace pour des questions d’organisation et qu’elle permet de maximiser les usages. En plus, nous n’avons identifié à ce jour aucun dispositif capable de tout faire, ou plutôt de tout faire « bien ». Nous ne pensons pas qu’un établissement puisse avoir un seul dispositif pour l’ensemble des usages, mais qu’il faut plutôt s’appuyer sur plusieurs dispositifs performants.
Comment en êtes-vous arrivés à choisir Omnidoc comme outil de téléexpertise ?
Nous bloquions vraiment sur la téléexpertise et pourtant nous savions que c’était un vrai besoin : nous étions sollicités très souvent par les médecins de l’hôpital qui nous disaient passer des heures au téléphone pour répondre à leurs confrères sans que ce temps soit tracé et valorisé. Nous avons rencontré énormément de sociétés, mais aucune ne semblait adaptée à ce que les médecins souhaitaient. Quand Omnidoc nous a présenté son dispositif, nous avons été séduits, autant Mathias et moi que les médecins de spécialité présents, le service des admissions et la DSI.
Par la suite, nous avons contacté d’autres établissements qui travaillaient déjà avec Omnidoc, notamment le CHU de Rennes, qui nous ont fait des retours très positifs. Il nous a fallu du temps, mais nous avons vraiment trouvé le dispositif dont nous avions besoin. Il nous reste encore des choses à faire, mais tous les utilisateurs sont très satisfaits !
Qu’est-ce qui a fait la différence pour porter votre choix sur Omnidoc ?
Les médecins voulaient absolument que le dispositif soit très simple d’utilisation autant pour les demandeurs que pour les experts, et Omnidoc remplissait parfaitement ce critère. Pour le demandeur, l’inscription est gratuite et se fait très facilement. Par exemple, les données administratives (nom, prénom, numéro de sécurité sociale) peuvent se remplir automatiquement avec la carte Vitale du patient.
Les demandeurs peuvent envoyer toutes sortes de pièces jointes (des images, des documents, etc.), et les demandes peuvent être personnalisées en fonction des spécialités, dont les besoins sont différents. Pour les diabétologues, par exemple, des informations très spécifiques sont nécessaires, et ils ont donc souhaité intégrer notamment un questionnaire à remplir par le requérant. Les dermatologues, eux, ont besoin d’images, alors que d’autres spécialités auront besoin d’informations plus textuelles. Omnidoc permet vraiment de personnaliser les usages selon la spécialité et l’organisation du service !
En effet, il est également possible d’adapter les réseaux de téléexpertise aux différents modes d’organisation des services : certains préfèrent que leur secrétariat « dispatche » les demandes, mais d’autres choisissent de se répartir les demandes en fonction d’un planning partagé ou d’adresser nominativement les demandes à un médecin. Omnidoc permet de répondre à l’ensemble de ces impératifs.
Même si toute la partie administrative et facturation doit encore être automatisée (c’est un projet en cours), la facturation pour les médecins est très simple, et ils peuvent facilement intégrer le compte rendu de la téléexpertise dans le DPI. Il était indispensable pour nous de pouvoir tracer leur avis !
Comment s’est déroulée la mise en place du projet ?
Nous avons commencé à déployer Omnidoc sur deux services qui étaient très intéressés car ils recevaient de nombreuses demandes via des canaux informels : la diabétologie et la néphrologie. On a d’abord eu une montée en charge très douce avec ces deux services, puis les choses se sont accélérées avec le lancement de la dermatologie. Face au succès des réseaux de téléexpertise de ces premières spécialités, d’autres ont également souhaité adopter Omnidoc.
Dès qu’un service veut développer la téléexpertise, il nous sollicite Mathias et moi. Nous rencontrons d’abord l’équipe médicale pour lui expliquer comment procéder, puis Omnidoc fait une démonstration concrète de la solution avant d’échanger avec le service sur ses spécificités afin de mettre en place un réseau qui corresponde en tout point à ses besoins et à son mode de fonctionnement.
En général, grâce à l’agilité et à la réactivité d’Omnidoc, que nous tenons à souligner, en trois semaines seulement le dispositif peut être mis en place dans une nouvelle spécialité.
Quels ont été les facteurs clés de succès dans le déploiement de la téléexpertise au CHRU de Nancy ?
Tout d’abord, l’établissement est déjà très engagé dans la télémédecine, qui fait partie de notre politique et de notre culture interne. De plus, ce qui a largement contribué à la réussite du déploiement de la téléexpertise au sein du CHRU, au-delà du portage institutionnel, c’est d’abord et avant tout la très forte disponibilité et la remarquable réactivité d’Omnidoc. Nous l’avons déjà dit, mais nous insistons car c’est très important : on a trouvé une société hyperréactive qui s’adapte aux demandes et avec qui les contacts, les échanges et la rédaction des documents sont faciles.
Et puis nous avons réussi à impliquer dans le projet toutes les parties prenantes : les médecins, bien sûr, qui seront les utilisateurs de la solution, mais aussi les acteurs clés que représentent la coordination des secrétariats et les secrétaires, de même que la Direction du système d’information, dont le rôle est crucial, notamment sur le sujet de l’interopérabilité, et notre service d’admission-facturation, qu’il était indispensable d’associer dès le début. En effet, si le patient n’est pas connu, ce sont les admissions qui créent au préalable le dossier patient pour que les services puissent facturer et que le compte rendu soit intégré.
Le fait d’avoir un dispositif facile d’utilisation pour les demandeurs et les experts a également été un point déterminant dans le succès des projets. Souvent, la mise en place d’un nouveau dispositif nécessite de former et d’accompagner les équipes. Avec Omnidoc, tout est tellement facile et intuitif que la formation est inutile. C’est un vrai plus pour faciliter l’usage du dispositif.
Le fait de pouvoir personnaliser en fonction des services était également un point important : un socle commun préexiste, mais, comme je l’ai déjà mentionné, chaque service peut personnaliser la solution en fonction de ses besoins ce qui a largement participé au succès de la téléexpertise, puisque chacun trouve une solution qui répond à ses besoins !
Quelles sont les prochaines étapes ?
Nous souhaitons continuer le déploiement sur d’autres spécialités du CHU. Aujourd’hui, la téléexpertise Omnidoc est déjà lancée sur quatre services : la diabétologie, la néphrologie, l’hématologie et la dermatologie. Nous sommes en train de préparer le lancement de nouveaux services : la neurochirurgie pédiatrique, la neurologie, la gynéco-obstétrique, la médecine interne, la génétique, la gériatrie et la médecine vasculaire. L’objectif est de permettre aux demandeurs d’avoir accès à toutes les spécialités du CHU.
On aimerait ensuite déployer Omnidoc à l’échelle du GHT, pour que les autres établissements puissent aussi pratiquer la téléexpertise sur leur territoire et selon leurs spécialités afin de rester en lien avec le parcours du patient.
Nous souhaitons également porter à la connaissance des structures médico-sociales ce dispositif qui permet à un IDE ou à un médecin coordonnateur d’avoir accès à la téléexpertise. En effet, dans ces structures parfois en grande difficulté pour obtenir un avis, la téléexpertise serait parfaitement adaptée, d’autant plus que, dans un premier temps, les résidents ne doivent pas forcément être déplacés.
Nous avons enfin un projet très important d’interopérabilité, en partenariat avec la DSI, qui devrait aboutir d’ici à la fin de l’année. Il est primordial d’avoir une connexion entre Omnidoc et le DPI pour éviter certaines tâches administratives. L’objectif serait donc de pouvoir transmettre automatiquement le compte rendu de la téléexpertise dans le dossier patient. Nous souhaitons aussi automatiser la facturation, qui est aujourd’hui réalisée par les médecins ou par les secrétariats. C’est donc un projet très stratégique qui va permettre aux secrétariats, aux admissions/facturation et aux médecins de dégager du temps !
Depuis bientôt un an, les premiers services de l’hôpital ont mis en place la téléexpertise. Quels impacts avez-vous déjà pu observer ?
Nous n’avons pas beaucoup de recul pour l’instant, mais nous avons déjà constaté une véritable satisfaction de la part des utilisateurs de l’hôpital ainsi que des demandeurs en ville ou des hôpitaux périphériques. Nous sentons bien un effet boule de neige : nous sommes sollicités par des spécialités qui savent que certains réseaux de téléexpertise ont été mis en place et qui veulent faire la même chose.
Nous avons présenté la téléexpertise en CME, mais aussi dans différents congrès : lors de l’AG d’e-Meuse Santé (NDLR : un projet mené par le département de la Meuse et financé par l’État qui a pour objectif d’améliorer l’accès aux soins pour tous grâce à la santé numérique) et auprès de l’ARS Grand-Est, en Meurthe-et-Moselle. Par ailleurs, e-Meuse Santé nous accompagne sur ce projet de téléexpertise dans le cadre d’une expérimentation.
Le profil des demandeurs est très hétérogène. Ce sont des spécialistes libéraux, mais aussi des IPA, des infirmières, ce qui montre que non seulement le dispositif est connu, mais qu’il apporte une réponse à chaque profil de professionnel de santé en leur donnant accès à une expertise qui leur permet de mieux prendre en charge leurs patients.
De manière générale, grâce à la téléexpertise, le maillage est meilleur sur le parcours de soins et sur ce qui est apporté aux patients. Qu’ils habitent Nancy ou la campagne, une expertise pourra leur être procurée
Nous avons toujours défendu avec Mathias le parcours du patient : l’objectif de la téléexpertise, c’est avant tout de faire exister ce maillage en étant déployée sur le territoire. Nous voulons développer la téléexpertise dans le cadre du parcours patient. Grâce à Omnidoc et bientôt au projet d’interopérabilité que nous allons mettre en place, si un jour un patient est hospitalisé au CHRU de Nancy, on pourra retrouver les traces de la téléexpertise dans son dossier, ce qui fera gagner du temps aussi bien aux médecins qu’aux patients. Cela s’inscrit ainsi parfaitement dans le parcours patient. Par ailleurs, nous envisageons de proposer une évaluation du dispositif aux utilisateurs afin de continuer à améliorer l’usage et l’outil.