Doctrine du numérique en santé et projet de feuille de route du numérique en santé 2023-2027, quelles perspectives et nouveaux enjeux
28 mars 2023 - 10:55,
Tribune
- Me Brac de La Perrière, LERINSLe projet de feuille de route du numérique en santé pour 2023-2027, dont l’objet est de fixer les grands axes de la politique du numérique en santé[1], a été mis en concertation du 14 décembre 2022 au 14 mars 2023.
Il fait suite pour mémoire à la feuille de route du numérique en santé 2019-2022, dont l’ambition était d’« accélérer le virage numérique en santé »[2], et s’articulait autour de cinq orientations[3] :
- « Renforcer la gouvernance du numérique en santé ;
- Intensifier l’éthique, la sécurité et l’interopérabilité des SI en santé ;
- Accélérer le déploiement des services numériques socles ;
- Déployer au niveau national des plateformes numériques de santé ;
- Soutenir l’innovation, évaluer et favoriser l’engagement des acteurs ».
L’implémentation de cette feuille de route s’est traduite par la mise en œuvre d’actions concrètes et très impactantes[4] : Transformation de la DSSIS en DNS et de l’ASIP Santé en ANS et évolution de leurs missions ; Création du Health Data Hub / Plateforme des Données des Santé ; Ségur du Numérique en santé et financements associés ; Mon Espace Santé.
Le projet de feuille de route 2023-2027 s’inscrit dans la poursuite de ces efforts, avec quatre axes[5] :
- « Développer la prévention et rendre chacun acteur de sa santé » afin de « permettre à chacun de mieux agir sur sa santé » ;
- « Dégager du temps pour tous les professionnels de santé et améliorer la prise en charge des personnes grâce au numérique ;
- Améliorer l’accès à la santé pour les personnes et les professionnels qui les orientent ;
- Déployer un cadre propice pour le développement des usages et de l’innovation numérique en santé ».
Doctrine du numérique, le socle en vue de la mise en œuvre de la feuille de route
La doctrine du numérique en santé, publiée depuis 2020 et annuellement mise à jour, traduit sur le plan technique les axes de la feuille de route du numérique en santé[6]. Elle a pour objectif « de décrire le cadre technique et le cadre d’urbanisation dans lequel devront s’inscrire les services numériques d’échange et de partage de données de santé »[7]. Elle s’adresse « à tous ceux qui développent un projet de services numériques de santé » à savoir les établissements de santé, les GRADeS, les éditeurs, les professionnels de santé ou du médico-social qui utilisent ces services numériques[8].
La quatrième édition de la doctrine du numérique en santé, publiée le 21 février 2023[9], comprend deux chapitres :
- les plateformes de santé (Mon espace santé, le bouquet de services aux professionnels, la plateforme de données de santé) ; et
- les référentiels et les services socles.
Avec bien sûr en transversal, selon les termes de l’ANS « des règles fondamentales que sont l’interopérabilité, la sécurité et l’éthique »[10].
A ce titre, le second chapitre fait état des référentiels applicables aux services numériques en santé -PGSSI-S (sécurité), le CI-SIS (interopérabilité) et le CENS (éthique)- et des services socles.
Si certains services socles figuraient dans la version précédente de la doctrine du numérique en santé[11](l’application carte vitale, e-Prescription, MSSanté, programme e-Parcours, ROR), d’autres viennent s’ajouter à cette liste : la plateforme numérique nationale du SAS (service d’accès aux soins) et ViaTrajectoire.
Concernant ces nouveaux services à l’honneur, le service d’accès aux soins (SAS), « nouveau service d’orientation de la population dans leur parcours de soins »[12], prévu par le Pacte de refondation des urgences[13], doit permettre aux patients d’accéder à toute heure et à distance à un professionnel de santé, lorsqu’il a besoin de soins urgents ou non programmés et lorsqu’il n’a pas accès à son médecin[14]. La plateforme SAS est composée de trois blocs : la base de données Santé.fr enrichie alimentant le moteur de recherche de la plateforme du SAS, un agrégateur de créneaux de disponibilités, et un mécanisme de fluidification de la prise de rendez-vous par le régulateur pour le patient[15].
Le document vise les référentiels et services socles associés[16] : le ROR, le FINESS, le répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), le CI-SIS, notamment le volet gestion d’agendas partagés, ProSanté Connect. Après une phase pilote conduite dans 13 régions différentes, la généralisation progressive du dispositif SAS à l’échelle nationale est prévue pour 2023[17].
S’agissant de ViaTrajectoire, l’objectif est de « faciliter et fluidifier l’orientation des personnes au fil de leur parcours de prise en charge dans les champs sanitaires et médico-social »[18]. ViaTrajectoire est composé de quatre volets d’orientation (sanitaire, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, et vers les plateformes de coordination et d’orientation, pour la prise en charge des troubles du neurodéveloppement), lesquels proposent un socle commun de cinq fonctionnalités :
- aide à l’orientation pour les usagers, leurs aidants et les professionnels demandeurs et receveurs ;
- processus facilitant les interactions entre les acteurs avec des tableaux de bord actualisés en temps réel afin de suivre les demandes ;
- annuaire interrégional des structures adossées au répertoire opérationnel des ressources (ROR) ;
- dossier d’admission standardisé, unique et partagé par les professionnels habilités dans le seul périmètre de leur mission ; et
- observatoire des orientations accessibles aux professionnels habilités.
ViaTrajectoire s’appuie sur les référentiels INS, MSSanté, Hébergement certifié HDS, ROR, CI-SIS couche service, FINESS, répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS), fichiers de l'INSEE, ProSanté Connect. A date, ViaTrajectoire est implanté dans 17 régions et rassemblent 168 194 professionnels déclarés et 46 205 médecins libéraux[19].
Ces axes constituent de formidables opportunités pour la santé publique et les patients, et des enjeux majeurs en matière de protection des données, notamment en termes de responsabilités de traitement, et de transparence à l’égard des personnes concernées, et de cybersécurité.
A cet égard, en particulier s’agissant de la prévention, le changement de paradigme emporte l’implication de nombreux nouveaux acteurs notamment la médecine du travail, les mutuelles et assurances, ainsi que le recours à des technologies innovantes reposant sur des systèmes d’intelligence artificielle, supposant un large accès aux données, avec autant de nouveaux enjeux…
Auteur
Marguerite Brac de La Perrière, avocate associée experte en Santé Numérique, et Anne-Sophie Legluais, avocate collaboratrice.
[2] https://esante.gouv.fr/virage-numerique/feuille-de-route
[3] Feuille de route du numérique en santé, 2019-2022
[4] FAIT(S), Bilan de la feuille de route du numérique en santé 2019-2022, p.16-17
[5] Projet de feuille de route du numérique en santé, 2023-2027
[6] FAIT(S), Bilan de la feuille de route du numérique en santé 2019-2022, p.27
[7] https://esante.gouv.fr/strategie-nationale/doctrine
[8] https://esante.gouv.fr/strategie-nationale/doctrine
[9] https://esante.gouv.fr/espace-presse/4eme-edition-de-la-doctrine-du-numerique-en-sante
[10] https://esante.gouv.fr/espace-presse/4eme-edition-de-la-doctrine-du-numerique-en-sante
[11] Doctrine du numérique en santé, version 2021
[12] Doctrine du numérique en santé, version 2022, page 64
[13] Pacte de refondation des urgences du 9 septembre 2019
[14] Doctrine du numérique en santé, version 2022, page 64
[15] Doctrine du numérique en santé, version 2022, page 65
[16] Doctrine du numérique en santé, version 2022, page 65