Quand les patients s’engagent dans la création d’outils numériques
24 août 2021 - 11:23,
Actualité
- DSIHDepuis quatre ans, l’association Aider à aider crée des outils pour aider les associations à aider les malades. Jusqu’ici, la structure était dédiée à la cancérologie. Depuis un an, elle s’ouvre plus largement aux pathologies et aux situations chroniques qui partagent un grand nombre des besoins auxquels répondent les outils qu’elle propose et intègre l’ensemble des engagements, quels que soient leur forme ou leur modèle. Dans cette dynamique, l’association a lancé cet été la plateforme Les patients s’engagent pour valoriser la diversité et la richesse des actions menées par les patients.
Les patients s’engagent…
En France, 20 millions de patients souffrent de maladies chroniques, soit un tiers de la population. Ils sont de plus en plus nombreux à s’engager en lien étroit avec l’ensemble des acteurs de santé pour améliorer le bien-être, la qualité de vie des malades et les parcours de soins. Ces engagements ne se limitent plus aujourd’hui à un investissement associatif : patient expert, formateur, blogueur, représentant dans divers établissements sanitaires et médico-sociaux ou institutions, la diversité et la complémentarité des initiatives font aujourd’hui des patients des partenaires incontournables des autres acteurs de santé, et ce à tous les niveaux de la prise en soin et de l’accompagnement des malades. La plateforme Les patients s’engagent identifie et recense des projets :
- De personnes concernées, patients, anciens patients ou proches ;
- Sous toutes leurs formes associatives, entrepreneuriales, salariées ou bénévoles ;
- Lancés ou coportés par des patients ou leurs proches et dans lesquels ils ont une part active et une valeur ajoutée claires.
« Le savoir expérientiel, c’est-à-dire l’expérience vécue de la maladie, est aujourd’hui une donnée incontournable pour améliorer les parcours de soins de malades chroniques ou graves. Il manquait un lieu pour rassembler les initiatives de patients réussies, identifier les facteurs de réussite, voire encourager des vocations », explique Anne Schweighofer, fondatrice de Patient Conseil, agence qui coordonne la plateforme avec l’association.
La plateforme s’adresse ainsi à tous les acteurs de santé en quête de ressources pour favoriser le travail en réseau, voire mutualiser les projets, et identifier tant la motivation que les facteurs de réussite de l’engagement patient. Pour capitaliser sur cette richesse, un partenariat a été noué avec Olivia Gross-Khalifa, titulaire de la chaire Engagement des patients, selon laquelle « l’intérêt de la plateforme est notamment de distinguer ces investissements dans leur diversité et de montrer comment ils pallient des manquements des autorités sanitaires ».
… notamment dans le numérique en santé
Une douzaine d’initiatives de patients sont déjà en ligne. Deux d’entre elles concernent directement le numérique en santé. « Un accident de moto, il y a six ans, m’a transformé en patient et a entraîné quasiment quatre ans de soins continus », raconte Sébastien Jaricot, 43 ans, créateur de l’appli SantéNet. Les nombreuses interventions qu’il a subies ont provoqué de fortes douleurs traumatiques et des complications dont certaines perdurent. Pourtant, ces douleurs aiguës peuvent être prises en charge. Sébastien Jaricot est parti du constat que les échelles d’évaluation de la douleur ne prenaient pas totalement en compte les aspects émotionnels et les caractéristiques individuelles des patients. « J’ai réalisé qu’il était possible d’améliorer la prise en charge de la douleur avec un simple smartphone. Cette idée m’a lancé dans l’entrepreneuriat auquel je n’étais pas du tout prédestiné. Je l’ai exposée aux soignants, à mes proches », explique-t-il. Son analyse des applications existantes ne l’a pas satisfait : « De nombreuses applis sont bien conçues pour les patients, mais elles ne permettent pas une utilisation efficace par les soignants ou, à l’inverse, sont construites pour des professionnels mais pas adaptées aux usages et aux besoins des patients. » Il a donc réuni son expérience de patient et l’expertise de quelques soignants pour bâtir un produit qui permet au patient de s’exprimer, au jour le jour, sur son application mobile et de structurer cette information de sorte qu’elle soit utile au soignant et exploitable dans sa prise de décision thérapeutique. Le modèle économique de SantéNet est celui de la marque blanche, avec une option qui s’intègre de manière transparente au logiciel métier des professionnels. « J’ai construit un projet sociétal, auquel je crois. J’espère, grâce à mon travail, épargner à d’autres ce par quoi je suis passé », confie-t-il.
De son côté, Jean-Michel Hédreux est entrepreneur et représente en Europe, la start-up 11 Health qui a été créée par Michael Seres. Ils souffrent tous les deux depuis l’enfance d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin. Ensemble, ils ont créé un dispositif médical connecté qui permet de sécuriser la vie du patient stomisé. Son fonctionnement fait appel à un ou plusieurs algorithmes de prédiction et à des alertes intelligentes pour le patient mais aussi les soignants (alerte pour le remplissage de la poche du patient, informations sur l’état inflammatoire de la zone péristomiale). « Dans notre programme Alfred SmartCare proposé par 11 Health, les nouvelles technologies sont importantes (“telehealth”, suivi et sécurisation du retour à domicile…), mais l’essentiel dans notre projet est le mariage intelligent entre la technologie, les données et l’accompagnement humain », précise-t-il.
L’objectif est de soutenir les patients atteints de MICI, ces maladies inflammatoires chroniques de l’intestin qui regroupent la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, de cancer colorectal ou qui vivent avec une stomie. « Nos produits et nos services ont fait leurs preuves en matière de réduction des réadmissions, de diminution des visites en ambulatoire ou aux urgences et d’amélioration des résultats. Ils permettent également aux équipes cliniques d’être plus efficaces », souligne-t-il. 11 Health se développe rapidement aux États-Unis, moins en France. C’est pourquoi il « travaille sur les bonnes directions à prendre pour développer [leur] projet en Europe et donner aux patients le plus rapidement possible accès à cette innovation ».
Accéder à ces interviews complètes et à d’autres sur http://www.lespatientssengagent.fr