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La génétique selon la Cnil
En juillet 2017, la Cnil a publié un ouvrage (Les Données génétiques, La Documentation française, 213 p., 9,70 €) avec pour ambition de faire un point général sur les différentes approches concernant les données génétiques. Malgré ses défauts, l’ouvrage est un incontournable pour tout DPO qui se respecte, et pas seulement si ce dernier est en poste dans le monde de la santé. Il y a effectivement fort à parier que pas mal d’entre nous sera confronté de près ou de loin à certaines des questions soulevées dans l’ouvrage. Le livre est, de toute manière, un passage obligé pour tout citoyen et tout « honnête homme », concept du xviie siècle absolument pas suranné.
L’ouvrage n’est pas exempt de défauts, certes peu nombreux, mais un peu agaçants. Les auteurs (ils sont manifestement plusieurs) ne se sont pas coordonnés (et/ou le relecteur n’a pas fait son job), et l’on trouve de nombreuses redites entre les parties. On regrette aussi que les difficultés soulevées dans les applications de la génétique aient été essentiellement illustrées par des citations d’auteurs et pas assez par des exemples précis, ce qui aurait été beaucoup plus parlant. On retrouve un travers classique des textes « hors sol » qui tendent vers la théorie.
Cela étant, le bouquin est une référence. Il est articulé autour de trois parties : la vision Cnil, la vision juridique et la vision Usages. Dans la vision Cnil, on a droit à un rappel des grands principes de la loi IL, mais surtout au caractère très particulier des données génétiques : elles ne permettent pas simplement d’identifier un individu, elles délivrent aussi une information sur ses caractéristiques physiques (visibles ou non) ainsi qu’un message sur sa descendance ou son ascendance et ne sont pas interchangeables.
Pour ce qui concerne la vision juridique, l’ouvrage reprend le régime de protection de ces données particulières et fait le lien avec la biométrie. Cette partie est courte, claire et techniquement très abordable.
Pour ce qui concerne enfin les usages, le domaine sans conteste le plus compliqué est celui du soin et de la recherche médicale, où les différents cas particuliers ont rendu la réglementation très complexe. Si l’on me découvre une maladie génétique transmissible (et pour laquelle il existe un traitement), puis-je m’opposer à ce que mes descendants aient connaissance de cette information, ce qui leur permettrait au besoin de commencer un traitement anticipé ? Mais si tel n’est pas le cas, alors une information sur mon état de santé est divulguée sans mon consentement, ce que la réglementation actuelle interdit. L’affaire dite « du glaucome » sur laquelle l’ouvrage développe quelques pages est révélatrice des questions d’éthique que soulèvent les données génétiques.
Ensuite, la partie qui décrit l’utilisation des données génétiques dans le domaine judiciaire est également riche d’enseignements. Je ne savais pas, par exemple, que seules les parties non codantes d’un ADN peuvent être collectées et stockées pour comparaison ultérieure – à l’exception du sexe. Quid des progrès techniques qui pourraient rendre codante une information qui ne l’est pas ? Quid de la pression sociale, qui veut à tout prix un coupable pour chaque crime, et qui va pousser le législateur à utiliser une trace génétique sur la scène de crime pour en déduire les caractéristiques morphologiques du suspect (taille, couleur des yeux, éventuelle calvitie, etc.), surtout quand on sait le manque de précision des analyses, aujourd’hui à tout le moins ?
L’ouvrage se termine par une analyse de la tendance actuelle à proposer des analyses en génétique au grand public, pour que tout un chacun connaisse ses ascendances génétiques et ses prédispositions en termes de maladies, voire sache si le conjoint est fidèle en envoyant des cheveux prélevés sur l’oreiller de la chambre conjugale afin de vérifier que l’ADN présent est bien seulement celui du couple (authentique !).
L’ouvrage alerte sur les errements du « tout-génétique », sur la tendance à croire que l’ADN est l’alpha et l’oméga de toute société moderne (voir ou revoir pour cela Bienvenue à Gattaca), sur les risques de dérives en termes d’exclusion (pour les mutuelles santé, pour décrocher un job, etc.) et sur les différentes législations, qui vont de la plus permissive (aux États-Unis, ce qui n’étonnera personne, mais aussi en Islande ou en Grande-Bretagne) aux plus protectrices, notamment en France, ce qui démontre 40 ans après que la Cnil, malgré toutes les critiques qu’elle essuie, a fait du bon boulot.
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