GHT et DSI : la fausse bonne idée des économies d’échelle
22 fév. 2016 - 10:07,
Tribune
- Cédric CartauDans la catégorie des questions qui ne vont pas manquer d’être soulevées, il y a bien entendu celle du financement. Lorsqu’un progiciel métier d’un établissement A va devoir être acquis pour l’établissement B (qui va devoir abandonner quant à lui son propre progiciel métier), l’opération a un coût : licence, prestations de services, chefferie de projet interne, déploiement, formation, etc. (à ce propos d’ailleurs, personne ne sait à ce jour comment va être réglée la question de la mise en concurrence et du respect du code des marchés publics). Mais qui va payer ? Sur quels budgets ? Ce coût sera-t-il financé par les ARS (on en doute) ? Par le ministère (on en doute aussi) ? Ou par des redéploiements de moyens ?
Prenons l’exemple d’un CHU de 10 000 agents qui créerait un GHT avec plusieurs établissements de plus petite taille, dont (par exemple) un CH de 1 500 agents. Une DSI de 100 personnes serait alors fusionnée avec une de 15 personnes. À ce stade, on voit briller les yeux du DRH qui songe tout de suite aux 15 ETP récupérés. Pas si vite, pas si vite… Seules trois fonctions peuvent être facilement mutualisées : le centre d’appels, les équipes de gestion de parc de terminaux et les équipes d’infrastructure. Pour les équipes de gestion de parc, première mauvaise nouvelle : aucune économie d’échelle à attendre dans la mesure où un second CH, c’est un second site, du stock local, etc. Au mieux la fonction pourra être externalisée (ce qu’elle est déjà dans la plupart des CHU) mais, même dans ce cas, le coût est une fonction linéaire de la taille du parc, donc économie zéro.
Seule (petite) bonne nouvelle : infrastructures et centre d’appels sont des bons candidats aux économies, mais la somme des deux représente rarement plus de la moitié des effectifs du CH (soit 7,5 personnes dans notre exemple) et bien entendu il faudra tout de même consacrer une partie de ces équipes pour absorber le surcroît de travail, admettons la moitié, soit environ 3,5 personnes. Au final, l’économie représente 4 personnes, sur un effectif total de 115 : la belle affaire !
Quand on sait que le déploiement d’un seul progiciel métier dans un domaine un peu complexe tel que les RH va mobiliser au moins ce même chiffre de 4 personnes pendant deux à trois années (au mieux), que la seule généralisation d’un DPI peut réclamer des dizaines de personnes sur un temps encore plus long, et que le nombre de champs fonctionnels à couvrir est assez vaste (pharmacie, imagerie, biologie, finances, etc.), la seule idée qu’il serait possible d’économiser de la masse salariale sur les DSI fait sourire, quand ce n’est pas franchement rire aux éclats, tous les informaticiens hospitaliers de ce pays.
Un dernier chiffre : la moyenne des budgets d’exploitation des DSI de CHU tourne aux alentours de 2 % (les estimations varient selon ce qui y est inclus), quand celle des CH tourne plutôt autour de 1,5 %. Le simple fait d’aligner, dans notre exemple, le CH sur le niveau du CHU conduirait à recruter 5 agents à la DSI. Et si maintenant nous faisons la comparaison avec les pays plus avancés que le nôtre en informatique de santé et qui consacrent entre 3 % et 4 % à la DSI pour atteindre le niveau 6 ou 7 de HIMSS, dans notre exemple et toutes choses étant égales par ailleurs, il nous faudrait passer d’un effectif de 115 ETP à un effectif de 180 ETP au minimum.
Où trouver les sous ? Dans la mutualisation des processus métiers qui sont supportés par le SIH. Deux DRH, c’est une de trop, et là les économies d’échelle dans la mutualisation des bulletins de salaire ou de la gestion des carrières sont immédiates. Deux directions des finances, idem. Et pour ceux qui sont encore dubitatifs, dans quel monde ou dans quel secteur de l’industrie ou du tertiaire trouve-t-on deux filiales d’un même groupe, distantes de 30 kilomètres, disposant encore chacune de leur DRH ou de leur DAF ? Aucun. Et dans quel secteur les budgets des DSI baissent-ils ?
Aucun.
Cédric Cartau
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