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Innovations technologiques : le dilemme de la Killer App
Les échecs industriels sont consubstantiels au business : il faut bien échouer pour un jour réussir. Entre Nelson Mandela et son célèbre « Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends » et le non moins célèbre Thomas Edison qui déclarait, à propos du nombre considérable d’expériences qu’il avait dû mener pour parvenir à mettre au point l’ampoule électrique ne pas avoir « échoué » 10 000 fois, mais avoir « trouvé 10 000 solutions qui ne fonctionnent pas », l’histoire des innovations technologiques est avant tout un beau cimetière. OK, promis, on ne parlera pas des avions renifleurs.
L’informatique n’est pas en reste. Sans même parler des lancements de produits qui ont dû être arrêtés en catastrophe à cause de graves soucis de fiabilité (dans le monde du smartphone, on est apparemment abonné aux batteries qui explosent). Souvenez-vous de Novell Netware, de PalmPilot, d’OS/2 (qui devait détrôner fastoche Windows tant ce dernier était à l’informatique bien conçue ce que le Gloubi-boulga était à la cuisine française). OK, promis, on ne parlera pas du plan Informatique pour tous et des milliers de TO7/70 achetés par l’État.
Là, présentement, il y a trois trucs qui me titillent le cervelet : l’IA, la blockchain et l’informatique quantique (sans ordre particulier de potentiel de poilade de zygomatiques).
Pour l’informatique quantique, nous en sommes manifestement à la croisée des chemins : soit on arrive à industrialiser la production de machines disposant de milliers de qbits dans un avenir proche et à des coûts maîtrisables – ce n’est pas gagné –, soit elle fera plouf. Par contre, si elle fonctionne – et si on arrive à en faire autre chose que simplement sécuriser le canal de transmission des clés privées –, je ne vous raconte pas le bin’s dans le monde de la crypto : en gros, tous les algorithmes classiques de chiffrement seront à mettre à la poubelle. Ce serait un peu l’équivalent, dans le monde de la sécurité et à simple titre de comparaison, d’un monde dans lequel chacun posséderait sa bobinette atomique dans son garage.
Avec la blockchain, là, on franchit un cran dans la capacité pourtant infinie des services de marketing à manipuler l’esbroufe à haute dose. À part bien entendu les cryptomonnaies (je renvoie à une excellente infographie du Courrier international montrant la part des échanges en cryptomonnaie par rapport à la totalité des échanges dans le monde : même pas l’épaisseur de l’ombre de la queue du trait), en gros, le seul usage réel, industrialisable et viable concerne la traçabilité de la chaîne logistique de certains produits/équipements. Bon, en substance, personne, absolument personne, ne pourra vous enfumer sur le trajet de votre bouteille de vin Château d’Yquem ou de votre Rolex Daytona toute neuve : c’est sûr, ça manquait à notre bonheur.
Mais ce que je préfère, c’est l’IA. Je ne rate jamais une occasion de tourmenter un commercial qui vient tenter de me fourguer son dernier logiciel tout beau qui est « IA by design », « mais oui mon bon monsieur, la dernière génération qui va résoudre tous vos problèmes » et blablabla – bon enfin jusqu’à la mise à jour 2.0 qui sera truffée de bugs comme d’habitude, mais ça, je ne sais pas pourquoi on ne le dit jamais. Le dernier en date exposait les mérites d’un logiciel de sécurité des locaux supposé intégrer un module d’IA pour la détection des anomalies d’entrée dans un local. Je fais alors poliment (promis) remarquer au costumé de service qu’il s’agit bêtement d’une technologie de recherche de corrélations dans des ensembles de données, dont les formules sont connues en mathématiques depuis bien avant notre naissance à tous les deux. Le voilà qui acquiesce, mais tente un passing de revers en mentionnant que « oui, mais bon, le logiciel dispose aussi d’un module de reconnaissance faciale qui permet de voir si les gens sourient ou pas ». En dehors du fait que je ne vois pas l’intérêt pour la sécurité d’un local sensible de savoir si un agent est constipé ou pas, je fais encore remarquer – toujours poliment – que, pour un visage, sourire ou faire la gueule se traduit par une modification des mesures entre le nez, la bouche, les oreilles, etc. Et que, là encore, c’est de la corrélation et pas de l’IA. Bref, de dépit, le bonhomme finit par me répondre que « dans ce cas-là, on ne sait pas ce que c’est que l’IA ». C’est exactement la conclusion à laquelle il fallait arriver.
Trois technologies, ou plutôt familles de technologies, dont on parle depuis des années, et aucune « killer app » à l’horizon. Quand on sait qu’Amazon est incapable de détecter automatiquement les doublons de produits dans sa base et doit faire réaliser cette tâche fastidieuse par des humains, on s’interroge sur la réalité de l’IA. Elle trouvera peut-être des usages réels, économiquement viables et industrialisables, mais l’expérience du passé montre qu’on les rencontre rarement dans les domaines initiaux de prédilection. Dans les années 1960, tout le monde était persuadé que les robots domestiques à forme humanoïde peupleraient nos maisons de l’an 2000. Au lieu de HAL 9000 (L’Odyssée de l’espace), on a en fait des robots aspirateurs. Vous conviendrez qu’en termes de richesse des échanges, il y a eu de la perte en ligne !
Étonnamment, le fou qui a l’habitude de regarder le doigt quand on lui montre la Lune affiche une incroyable capacité à ne pas tirer de leçons de ses erreurs. C’est ainsi que la société civile va comme un seul homme à fond dans la 5G, alors que personne n’est fichtre capable de dire ce qu’il sera possible de faire avec ce truc qui va nous mettre des antennes partout et coûter une blinde que l’on ne puisse pas déjà faire avec la 4G (et que souvent l’on n’a pas mise en œuvre alors qu’on pourrait, c’est ça qui est drôle).
À fond, à fond, à fond !
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