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Les GHT sont morts, vivent les EPST ?

06 nov. 2018 - 09:45,
Tribune - Me Omar Yahia
Pour prématurée ou provocante qu’elle puisse paraître, la question se pose et s’impose à la lecture du rapport final intitulé Repenser l’organisation territoriale de soins. 

Les auteurs de ce rapport proposent, au titre de la mesure n°8, la transformation des groupements hospitaliers de territoire (GHT) en établissements publics de santé de territoire (EPST). Autrement dit, il s’agit de passer d’un outil (obligatoire) de coopération conventionnelle à la création d’une nouvelle entité juridique. 

Une personne morale de droit public, en somme 

Ce nouvel établissement laisserait plus de place aux usagers en leur confiant la présidence du conseil de surveillance. Il serait chargé d’organiser la gradation des soins en lien contractuel avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPST), lesquelles sont pour l’heure dépourvues de personnalité morale. Le rapport suggère de lui laisser toute liberté pour gérer lui-même les autorisations d’activité de soins, à charge pour lui de définir ensuite les implantations sur les différents sites. Chaque autorisation d’activité de soins serait déclinée entre les différents sites de façon graduée.

Le rapport évoque une « incitation financière significative » donnée aux GHT pour se transformer en EPST « dans les 2 ans à venir », ajoutant que « cette procédure juridique nouvelle n’est pas assimilée aux modalités traditionnelles de mise en place des directions communes ou des fusions ».

Liberté et souplesse d’organisation interne sont prudemment avancés au sein du rapport

La création d’une nouvelle entité juridique autonome supposera, quoi qu’en disent les auteurs, la mise en œuvre d’un processus de fusion. Il s’agira soit d’une fusion-absorption, c’est-à-dire celle qui entraîne la maintien de l’un des établissements et la disparition du ou des autres (le « survivant » conservant son siège, son numéro FINESS, ses références bancaires, etc.) soit d’une fusion-création supposant la disparition de tous les établissements fusionnés, et la naissance d’un nouvel établissement. 

Si cette seconde formule présente l’avantage de placer tous les établissements sur un même pied d’égalité et permet un affichage moins dramatique, attention cependant à la difficulté politique de créer un nouveau numéro FINESS, issue d’une création. Il est plus simple de conserver le numéro de la précédente entité juridique la plus importante. Décidément, le Diable se niche dans les détails !...

Cela étant, la fusion qui n’a rien d’exceptionnel doit s’accompagner de mises en garde. Premièrement, une trop grande taille des organisations peut générer des coûts de fonctionnement qui leur sont propres (fonctionnement du siège, GRH et SIH) et des risques liés à leur complexité (bureaucratisation, gouvernance illisible, etc.). Deuxièmement, on ne fusionne pas si le cadre financier n’est pas suffisamment solide. Troisièmement, ce processus ne doit pas servir un dessein personnel. 

Dans son rapport intitulé Fusions et regroupements hospitaliers : quel bilan pour les 15 dernières années ?(mars 2012), l’IGAS nous apporte de précieux enseignements, tels que les facteurs structurels d’échec : un temps de trajet supérieur de 45 minutes entre établissements fusionnés, des bassins de vie trop différents conduisant les patients à se faire soigner dans d’autres structures, une mauvaise santé financière d’un établissement partie à la fusion, l’absence de complémentarité d’activités, l’absence de fait générateur rendant nécessaire la fusion, l’opposition du corps médical ou des élus, etc.

La direction commune reste un outil d’amorce à une opération de fusion et, dans la pratique, ce procédé connaît un franc succès (Cf. pour un exemple très récent : dépêche APM du 22.10.2018 - Le CHU de Grenoble et le CH de Voiron bientôt en direction commune en vue d'une fusion). Les experts recommandent un délai de 12 mois minimum entre l’annonce de la fusion et la fusion effective, ce qui permet à toutes les parties prenantes de se préparer au rapprochement. 

Sur le plan méthodologique, les établissements seront bien inspirés d’œuvrer à la réalisation de la fusion en mode projet (chef de projet, COPIL et groupe projet) par la mise en place de plusieurs groupes de travail thématiques et, au sein de ces groupes, de sous-groupes dédiés (Par ex : au sein du groupe RH, les sous-groupes EPRD, Recrutement, Paie, Temps de travail, Formation et GPMC, Instances, Affaires médicales).

Le chantier d’harmonisation du système d’information est souvent le plus coûteux, notamment en raison de surcoûts imprévus. C’est par exemple le cas des « doublons » générés mécaniquement par la fusion des bases patients dans le système d’information médical unique du nouvel établissement, sans parler des dossiers mal orthographiés, comportant des tirets, des apostrophes, etc. Il s’agit d’éviter le doute sur l’identité des patients et les « collisions », c’est-à-dire la fusion à tort de dossiers appartenant à des patients différents. 

De façon plus générale, la fusion, en matière de SIH, ne représente pas un gain immédiat, ce qui invite les décideurs à adopter une vision à moyen, voire à long terme. 

De nombreuses questions demeurent : Comment l’EPST va-t-il cohabiter avec les établissements de santé privés (dits lucratifs ou non) ? La création de l’EPST n’est-elle pas motivée par la volonté de faire réaliser des économies supplémentaires à l’Assurance maladie et, si tel est le cas, le patient ne s’en trouvera-t-il pas pénalisé ? Comment des EPST vont-ils s’insérer dans des territoires enclavés ou bien limitrophes d’autres frontières ? La récente introduction de la notion de pertinence des soins dans le PLFSS 2019 ne va-t-elle pas avoir pour effet de limiter l’activité hospitalière des EPST au profit du virage ambulatoire, lequel fera également l'objet d’un contrôle de tarification ? 

Alors vivent les EPST ?

L'auteur 
Me Omar Yahia
[email protected]

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