ZOOM GHT : La parole à Didier Bonnet, DSI du GHT d’Armor

18 sept. 2018 - 11:46,

Actualité

- DSIH, Pierre Derrouch
Les établissements qui constituent le GHT d’Armor n’ont pas attendu que retentisse la petite musique des GHT. Ils ont mis leurs SI au diapason avant l’heure, aidés et guidés par un DSI fédérateur. Didier Bonnet, c’est de lui qu’il s’agit, livre sa part de vérités sur la mise en œuvre des GHT, dans une interview fleuve et sans détours. Micro.

Qu’est-ce qui vous a motivé pour occuper la fonction de DSI de GHT ?

DIDIER_BONNETCette prise de fonction n’est que la poursuite d’un long processus qui a débuté en 2005 lorsque j’ai réuni autour d’une table tous les responsables informatiques des établissements publics des Côtes-d’Armor, avec à la clef une convention de coopération dans le domaine des SI signée par toutes les directions. En 2010, je suis devenu directeur de la DSI commune des CH de Saint-Brieuc et de Lannion après fusion de leurs services informatiques. À partir de 2012, j’ai assuré la coordination de la communauté hospitalière de territoire d’Armor dont l’objectif était notamment la mise en œuvre d’une direction du SI communautaire sur les cinq établissements(1) et l’élaboration d’un schéma directeur du SI communautaire se substituant au SDSI des établissements.

Après avoir été pendant presque dix ans à la manœuvre pour la mutualisation du SI sur nos cinq établissements, cette nomination n’est que l’officialisation d’un état de fait.

Quelles sont vos priorités ?

Mes priorités sont tout simplement celles du schéma directeur communautaire, à savoir doter la communauté d’un SI patient communautaire unique – et c’est la priorité des priorités –, transformer la DSI en centre de services numériques, c’est-à-dire en une DSI industrialisée en capacité de proposer à ses établissements un catalogue de services numériques aussi bien sur la performance que sur la disponibilité, les délais, etc. En mode hospitalier, c’est sans doute une révolution, mais c’est la condition sine qua non pour accompagner un projet aussi ambitieux que le SI Patient communautaire.

Quelle est votre vision de DSI à cinq et à dix ans ?

Je pense que nous aurons fini notre transformation. Notre SI sera communautaire depuis quelques années déjà, voire probablement territorial, et tous nos établissements seront certifiés HIMMS 7.
La prise en charge des patients continuera à évoluer avec un raccourcissement important du temps de présence du patient à l’hôpital, mais aussi la relation médecin-patient, qui se fera de plus en plus à distance, soit de manière synchrone (par téléconsultation ou entretien), soit de manière asynchrone.
Pour ce qui est des objets connectés, nous aurons terminé d’ici à cinq ans la connexion des équipements biomédicaux dans l’hôpital et en serons sans doute à déployer des outils chez le patient en amont ou en aval de son passage dans nos hôpitaux.
Quant au big data, couplé à des outils d’analyse avancés (premier pas vers l’IA), il devrait alimenter au moins l’accompagnement de la décision ou de la réalisation de l’acte et, je l’espère, d’un premier niveau de prédiction.
La DSI verra sans doute se déplacer son activité, aujourd’hui centrée sur le dossier patient, vers le biomédical et la logistique, avec probablement des volets « robotisation » et « communication » très développés.
Enfin, les SI des établissements seront-ils remis en question au profit de SI à dimension régionale ou nationale ? Si c’est la volonté affichée, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas aussi simple. Les exemples passés montrent que la dimension nationale a quelques difficultés à se mettre en œuvre dans notre pays (DMP, messagerie sécurisée de santé, etc.). Le projet de Samu national représente un véritable enjeu à cet égard : s’il aboutit en temps et en heure (ce que je lui souhaite) et s’il offre le service au niveau attendu sur ses fonctions premières, la démonstration sera faite qu’il est possible de changer de dimension sans perte de services.

Quels obstacles (organisationnels, techniques, humains, financiers, etc.) pour mener à bien vos projets avez-vous identifiés ?

Les obstacles sont multiples. Le plus important est sans doute la maturité générale du concept de GHT (ou de CHT). Tout le monde en parle, mais la mise en pratique reste rare, même à l’échelle des services de l’État. Dans Osis, par exemple, il est impossible d’avoir un seul code pour accéder à tous les établissements de votre GHT ; lorsque vous déposiez un dossier Hôpital numérique, un par établissement, vous ne pouviez pas déposer des demandes pour un GHT unique. Ce sont des petits riens, mais qui démontrent un défaut de maturité. C’est aussi le cas en interne. Même si, pour ce qui nous concerne, la maturité est plus qu’avancée, il n’en demeure pas moins que quand surgissent les difficultés le naturel revient au galop. Les acteurs retrouvent souvent leur dimension d’origine puisqu’ils sont évalués sur les indicateurs « établissement » et non « GHT ».

Autre aspect de taille, le volet financier : outre des établissements dans une situation pécuniaire très délicate, nous manquons de visibilité sur les aides qui pourraient nous accompagner pour effectuer la transformation. En ce qui concerne Hopen, par exemple, nous n’avons aujourd’hui aucune visibilité (ou très peu) sur son contenu. Or sa mise en œuvre doit commencer en 2018.

Autre point de difficulté à mentionner : la complexité de la réglementation qui ne facilite pas les choses : dispositions relatives aux ressources humaines de la fonction publique, différentes directives comme l’hébergement de données de santé, le règlement général sur la protection des données, etc.

Sur quels leviers financiers pouvez-vous vous appuyer ?

Le plus important est le retour sur investissement (RSI) que nous visons en premier lieu et qui nous permet de dégager des marges de manœuvre pour la suite. C’est tout l’intérêt du SI unique qui permet un RSI direct.
Par ailleurs, l’Agence régionale de santé nous accompagne depuis ces dernières années avec bienveillance et dans la mesure de ses moyens.
Enfin, nous candidatons systématiquement aux programmes nationaux comme Hôpital numérique sur lequel tous nos établissements ont émargé. Et nous attendons avec impatience Hopen.     

Qu’attendez-vous des fournisseurs pour réussir la convergence des SIH ?

En fait, nous n’attendons rien car pour nous la convergence est un lointain souvenir que nous avons mis en œuvre et abandonné car elle ne présentait pas suffisamment de ROI, aussi bien pour les métiers que pour la DSI. Toutefois, il serait quand même bien que les fournisseurs s’intéressent vraiment à l’industrialisation de leurs outils. Combien n’ont pas de solution dégradée, et encore moins de plan de reprise d’activité ? Il faut également qu’ils perçoivent que maintenant ils n’adressent plus un établissement mais un groupe qui peut couvrir un département, voire plusieurs.  

En un mot, comment définiriez-vous la fonction de DSI de GHT ?

Je dirai que le DSI est le forgeron (numérique) de la communauté, au sens des grandes forges médiévales. Non seulement il entretient les armes, les armures, mais aussi les outils du quotidien, les charrues, les outils des habitants de la ville ou du village. C’est lui qui va concevoir, inventer de nouveaux outils ou équipements pour sa communauté afin de répondre à ses besoins et lui permettre de se développer, de se défendre, voire de conquérir de nouveaux territoires.


(1) Les CH de Guingamp, de Lannion-Trestel, de Paimpol, de Saint-Brieucet de Tréguier.

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