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Dépistage et soins : l’overdose
17 mai 2016 - 10:50,
Actualité
- DSIH, Dominique Lehalle,Les lecteurs de DSIH connaissent les analyses du Dr Jean-Pierre Thierry, spécialiste en santé publique et en informatique de santé, administrateur de HIMSS Europe. Il décrypte régulièrement dans les colonnes du magazine l’évolution des SIH, de l’open data, de la médecine de précision… Il vient de se livrer, en duo avec Claude Rambaud, juriste qui a notamment présidé Le Lien et le CISS (1), à un exercice de transparence salutaire à propos de notre consommation de soins. En quatre chapitre d’un livre à quatre mains, « Trop soigner rend malade » (2), les deux experts se donnent le défi de « lever le voile d’ignorance » qui pèse sur une information souvent biaisée, parfois manipulée, et qui méritait en tout cas grandement cet éclairage pédagogique.
Un acharnement thérapeutique préventif
Après un premier chapitre destiné à nous faire comprendre comment on peut faire « parler » les chiffres, les deux auteurs ont choisi de nous déniaiser à propos de trois thématiques : les facteurs de risque et le dépistage, les erreurs médicales, la surconsommation d’antibiotiques et la prolifération des bactéries multi résistantes. Les raisonnements sont argumentés, basés sur des connaissances établies, et les démonstrations éloquentes. On comprend ainsi qu’il a suffi de baisser les seuils de dépistage (le plus souvent sous la pression des standards américains) pour qu’un facteur de risque se transforme en maladie, entrainant dans une spirale de surconsommation, « d’acharnement thérapeutique préventif »… mais le plus souvent inutile et coûteux analysent les auteurs. Arguments et chiffres viennent à l’appui avec les exemples grand public – et souvent controversés - de l’hypertension et du cholestérol, mais aussi celui – moins connu – de l’insuffisance rénale. Leur décryptage porte également sur le dépistage des cancers du sein ou de la prostate qui, nous disent-ils, « a produit le même effet que la détermination de seuils conditionnant l’entrée dans une maladie chronique ».
Bousculer l’indifférence et aiguiser l’esprit critique
Jean-Pierre Thierry et Claude Rambaud ne se contentent pas de mettre au jour, ils rappellent aussi les pistes de solutions. En matière d’erreurs médicales, par exemple, ils insistent sur l’importance d’une réforme du régime de responsabilité médicale. Bien sûr, l’intérêt d’une informatisation du circuit complet du médicament, d’une administration des médicaments assistée par lecture code-barres ou d’un blue button à la française (3) est aussi mis en avant. Mais c’est au chapitre de la surconsommation antibiotique que l’on mesure avec effroi l’ampleur des dégâts qui peuvent être causés par l’overdose thérapeutique dans laquelle nous nous sommes engagés ces dernières décennies.
Ecrit pour bousculer l’indifférence des autorités sanitaires, ce livre est aussi fait pour aiguiser l’esprit critique des patients comme le montre son sous-titre « Docteur, est-ce bien nécessaire ? ». Mais il ne sera pas inutile non plus dans les cercles soignants où l’on ne dispose pas toujours des arguments pour véritablement mettre en balance bénéfices et risques.
(1) Association d’aide aux victimes d’accidents médicaux et Collectif Interassociatif sur la Santé
(2) Albin Michel, 304 pages, 18,50 euros. Un extrait sur le site de l’éditeur : http://www.albin-michel.fr/Trop-soigner-rend-malade-EAN=9782226324962
(3) /article/1836/le-dmp-sans-ambiguite-et-accessible-sur-mobile.html