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Le circuit du médicament : une affaire de management de la qualité
Omar Yahia : J’ai eu l’impression, à la première lecture de cet arrêté, d’être face à un manuel de certification de la Haute autorité de santé (HAS). On y décèle tout du moins une véritable influence. Au plan juridique, je considère ensuite que les établissements de santé encourent aujourd’hui davantage de risques en cas de non-conformité à l’arrêté du 6 avril 2011, dès lors que le qualitatif a désormais investi le champ réglementaire. Auparavant, les établissements déviants, qui faisaient l’objet d’une visite de certification, risquaient une visite de suivi portant sur la thématique défaillante ou bien une certification assortie d’une réserve, d’une réserve majeure ou, pire encore, d'une non-certification. Or, désormais, les bonnes pratiques inscrites dans l’arrêté sont devenues juridiquement opposables car dotées d’une force contraignante. C’est bien une obligation de résultat à laquelle les établissements sont dorénavant soumis : ils n’ont plus le droit à l’erreur. L’article 8 de l’arrêté indique, par exemple, que la direction de l’établissement doit veiller à désigner les différentes responsabilités mais aussi que "la prescription est conforme aux données de référence". Si, dans ces conditions, je devais défendre un patient victime, par exemple, d’une erreur de prescription, je ne manquerais certainement pas de me reporter à cet arrêté pour vérifier si les dispositions nécessaires ont été prises. Je relève également qu’il est désormais fait obligation aux établissements, dans le cadre d’un système de management de la qualité, de tout tracer suivant une méthodologie encadrée, là aussi typique de la HAS, et de suivre étape par étape le processus. La rédaction de l’article 8, qui instaure une étude des risques, s’explique par le fait qu’il n’existe pas, en France, de système pérenne de recueil des Événements indésirables graves (EIG) médicamenteux permettant des examens approfondis et des actions correctives. Fort de ce constat, le législateur a fait preuve de pragmatisme en confiant à chaque établissement le soin de s’organiser en interne et de réaliser son propre recueil.
Hospimedia : Avec ces dispositions, le circuit du médicament se trouve impacté. Qu'est-ce qui doit désormais entrer en ligne de compte pour les établissements de santé ? Et qu'en est-il de cette question de l'informatisation ?
O.Y. : Le circuit du médicament s’inscrit dans le cadre plus large de la pharmacovigilance qui, elle, est, réglementée par l’arrêté du 28 avril 2005
H. : Il est prévu, avec cet arrêté, une déclaration interne des événements indésirables. Pour les professionnels de santé, est-ce que cela n'est pas difficile à appliquer ? Du côté des directeurs d'établissements, savez-vous quelles sont leurs principales appréhensions vis-à-vis de cet arrêté ?
O.Y. : La mention d’une déclaration interne de tout événement indésirable, au sein des établissements, illustre bien la dichotomie entre les textes réglementaires et la pratique. Dans les textes, on passe d’une logique de sanction à une logique de signalement pour éviter que les erreurs ne se reproduisent. Mais dans les faits, lorsqu’un professionnel de santé se trompe, la peur l’emporte souvent. Cet arrêté, et je le dis de manière un peu provocatrice, est à la pharmacovigilance ce que les Revues de mortalité morbidité (RMM) sont à la médecine, à savoir une logique de prévention, constructive, censée être dépouillée de tout jugement de valeur, uniquement sur une méthodologie. Lors de la réunion organisée le 15 décembre dernier sous l’égide de Vidal et de DSIH à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) sur le circuit du médicament, les directeurs d’établissements se sont montrés intéressés par les questions relatives à l’organisation interne. En effet, l’arrêté leur impose de nommer un responsable du système de management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse. Beaucoup se sont alors demandé si le coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins (instauré par le décret du 12 novembre 2010
Un intervenant à cette journée a également rappelé qu’il valait mieux que ce soit le responsable du système de management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse qui analyse les causes de dysfonctionnement de la prise en charge médicamenteuse plutôt que le juge d'instruction. Il convient en effet que les établissements ne se laissent pas déposséder de la maîtrise du risque et se retrouvent à la déléguer involontairement au juge pénal. Mieux vaut gérer le risque en interne plutôt que d’être mis devant le fait accompli".
Propos recueillis par Géraldine Tribault
Omar Yahia
Omar Yahia est avocat au barreau de Paris depuis 2005. Il est actuellement avocat associé chez SCM Saint Marc
G.T.
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