Analyse psy de la cyber : les RSSI sont tous dingos
08 nov. 2022 - 08:41,
Tribune
- Cédric CartauEt là, mon sang ne fit que 99 tours : et si nous autres, les RSSI et les DPO, étions chroniquement atteints du SMPP ! On passe notre temps à soutenir que notre proche (l’organisation pour laquelle on bosse) est affecté d’une maladie grave (protection cyber pourrie, conformité RGPD à l’ouest) pour s’attirer la sympathie de nos confrères (pas un colloque sans déplorer, qui le manque de flouze, qui l’insensibilité de nos dirigeants) et pour maintenir ledit proche sous dépendance (non, vous ne démarrerez par ce projet de marioles, non, vous ne mettrez pas en œuvre ce traitement de DP qui sent l’oignon). Bref, on coche toutes les cases.
Me voilà donc à parcourir frénétiquement le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM pour les connaisseurs, dans sa version V) afin d’y chercher les preuves que tout le monde de la cyber part en cacahuète (moi, les autres, enfin surtout les autres si possible). Et là, au fur et à mesure que je feuillette les pages, ça va de mal en pis, jugez vous-même.
Dans son Axe 1/14, le DSM ne fait-il pas référence à (je cite) « Troubles des habitudes et des impulsions classifiés nulle part ailleurs » et notamment la cleptomanie ? Bon sang, mais c’est bien sûr, cette habitude qu’ont les RSSI à vouloir subtiliser les budgets des projets de la DSI, à détourner ceux de la direction générale (cette manie de demander toujours plus), voire à chouraver les subsides ministériels.
Et l’on continue avec le « trouble délirant » du sous-chapitre 5 (que d’aucuns lieront sans aucun doute aux troubles anxieux du chapitre 7). Vous trouvez que j’exagère ? M’enfin, pas un RSSI qui ne passe son temps à évoquer les complots CIA-FSB-Corée-du-Nord, pas un RSSI/DPO qui ne passe son temps à parler d’amende, de non-conformité grave et j’en passe, que le Grand Cric me croque si cela ne relève pas du délire !
Et puisqu’on en est au RSSI-DPO, il est pas beau ce trouble de la personnalité dissociative (il doit s’appeler à peu près comme ça), cette schizophrénie latente, tantôt vas-y je te cause de cyber, tantôt vas-y je te cause de traitement de données personnelles ? En plus, j’ai l’impression que certains, quand ils n’arrivent pas à passer par la porte de la cyber, essayent de vous la faire à l’envers en passant par la fenêtre RGPD. Non seulement dingos, mais en plus vicieux.
« Si j’étais siphonné, je m’en rendrais compte », pensez-vous ! Ben justement non, c’est même le propre de ce genre de pathologie que d’altérer le jugement de base. Mais se poser la question, c’est justement le premier pas. Par exemple, je ne sais pas pour vous, mais j’ai remarqué que certains personnages portent systématiquement un costume de la même couleur. Étrange, non ? Pour se repérer dans la foule ou dans un congrès, par exemple, quand ils ne se sont pas croisés ailleurs ? C’est bizarre… D’autant que certains fournisseurs ne peuvent pas plier leur auriculaire[4], paraît-il.
Sans parler de ce congrès qui se conclut systématiquement par la distribution de pots de rillettes. Il paraît justement que les rillettes contiennent des nanoparticules visant à altérer l’intellect des RSSI, mais laissent intact celui des ingénieurs biomed et des fournisseurs dont le nom de l’entreprise contient un nombre impair de lettres. Et ce sourire énigmatique des agents de sécurité, vous ne trouvez pas cela étrange ?
Mince, « paranoïa », c’est quel chapitre du DSM déjà ?
[2] Les puristes me pardonneront les éventuelles approximations.
[3] Voir ici pour plus de précisions : https://fr.wikipedia.org/wiki/Syndrome_de_M%C3%BCnchhausen_par_procuration
[4] Référence à la célèbre série TV des années 1960 Les Envahisseurs.
L'auteur
Responsable Sécurité des systèmes d’information et correspondant Informatique et Libertés au CHU de Nantes, Cédric Cartau est également chargé de cours à l’École des hautes études en santé publique (EHESP). On lui doit aussi plusieurs ouvrages spécialisés publiés par les Presses de l’EHESP, dont La Sécurité du système d’information des établissements de santé.