Breaking news : le Père Noël, hors-la-loi multirécidiviste

03 jan. 2022 - 10:55,

Tribune

- Cédric & Alice Cartau
Arsène Lupin, Charles Ponzi[1], Victor Lustig[2], petits joueurs : en ce début du xxie siècle, un des plus importants hors-la-loi – qui plus est toujours en activité – reste le Père Noël. Un vrai scandale, vous dis-je.      

OK, je veux bien que la question des conditions de travail des lutins soit en débat (fabriquer et livrer des millions de cadeaux en quelques jours tout de même, articles 3121-16 et 18 du Code du travail[3]), mais en tout cas personne ne niera sérieusement une fâcheuse discrimination à l’embauche dans les ateliers : que des lutins et que des gars ! (l’article L. 1132-1 du Code du travail dispose qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement).

Pour ce qui concerne par contre les rennes, selon l’article 521-1 du Code pénal, le fait d’exercer des sévices graves ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Considérant que le Père Noël utilise des rennes domestiques dans le but de livrer les cadeaux à 2,2 milliards d’enfants en une seule nuit ;
Considérant qu’il n’y a pas de temps de pause, dans des conditions météorologiques hostiles liées à la saison ;
Par ces motifs, il y a lieu de conclure que le Père Noël est coupable de maltraitance envers les animaux.

Cela ne s’arrange pas avec les violations caractérisées et répétitives du Code de l’aviation civile (articles L. 121-2 et suivants, on ne les compte même plus) : pas d’autorisation de vol, aérostat ni homologué ni immatriculé, aucun respect des couloirs aériens ni des zones d’interdiction de vol, aucun contact radio en entrée de CTR et d’espace de classe B-C-D-E, en général, c’est le moment où l’on voit arriver les képis.

Et cela continue gaillardement avec le non-respect des règles du commerce : les lutins qui fabriquent le dernier androphone que vous allez trouver sous le sapin, vous croyez qu’ils ont une licence ? Contrefaçon, vous dis-je, et sans parler de la vente à perte, explicitement condamnée depuis des décennies.

Le cas du barbu s’aggrave ensuite. L’article 226-4 du Code pénal précise que « l’introduction dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».
Considérant que le Père Noël s’introduit dans le domicile des familles du monde entier à l’aide de « manœuvres » telles que se glisser dans la cheminée des maisons ou encore pénétrer par la porte d’entrée ;
Considérant qu’aucune loi ne permet précisément au Père Noël de pénétrer dans une propriété privée dans le but d’y laisser quelconque objet ;
Par ces motifs, il y a lieu de conclure que le Père Noël est coupable de violation de domicile.

Et le RGPD, on en parle du RGPD ? Que la CEDH dans son article 8 affirme le principe du respect de la vie privée n’est même pas nécessaire : si l’intérêt légitime est invocable pour le traitement (mouais…), pour la collecte des noms, prénoms, adresses et âges et tout le toutim des enfants, pas de droit d’opposition ou de rectification, pas de minimisation des données collectées, et je ne parle même pas du fait qu’il s’agit de données sensibles (de mineurs) avec application d’algorithme automatisé pour le traitement (t’es gentil, t’as un cadeau ; t’es méchant, t’as que dalle).

Considérant que le Père Noël collecte des données sensibles concernant des mineurs afin de déterminer s’ils ont été sages et méritent leurs cadeaux, sans pour autant que les parents aient consenti au traitement de ces données ;
Considérant que ces données sont considérées comme des données à caractère personnel au sens du RGPD ;
Par ces motifs, il y a lieu de conclure que le Père Noël est coupable de traitement frauduleux de données à caractère personnel au sens du RGPD.

Et à quel moment les gamins peuvent dire que si, justement, ils ont été gentils et qu’ils méritent les cadeaux ? Justement, l’article 16 du Code de procédure civile énonce que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Considérant qu’au vu du principe du contradictoire, le requérant a le droit de faire valoir ses observations de manière à espérer une modification de la décision du Père Noël, en tant qu’acte administratif unilatéral ;
Par ces motifs, il y a lieu de conclure que le Père Noël est coupable de non-respect du principe du contradictoire.

On enchaîne : il a fait sa déclaration OSE le Père Noël ? Ben quoi, si l’on considère « les opérateurs, publics ou privés, offrant des services essentiels au fonctionnement de la société ou de l’économie et dont la continuité pourrait être gravement affectée par des incidents » (loi 2018-133, article 5), alors le Père Noël est autant concerné qu’EDF ou les chemins de fer : essayez, juste pour voir, d’annuler Noël et les cadeaux ! On peut voir l’application des 23 mesures de la directive NIS ? Sa déclaration des systèmes d’information essentiels (SIE) ? Sa PSSI ? Sa revue des comptes adminpour le pilotage du traîneau ? Ouh là là, son compte est bon, je vous le dis.

Bon, n’en jetez plus, on ne va même pas lui demander son pass vaccinal.


[1]   À l’origine de l’arnaque désormais célèbre de la pyramide de Ponzi.

[2]   L’homme qui a vendu la tour Eiffel.

[3]   Alice Cartau (en master de droit à Rennes) pour l’analyse juridique.

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