Publicité en cours de chargement...
Intelligence Artificielle : Que faut-il croire ?
05 mars 2018 - 17:57,
Tribune
- Thierry DumoulinPromesses du passé, promesses du futur
Les premiers systèmes experts en santé et ailleurs sont apparus dans les années 70. Puis dans le sillage des NTIC des années 8, les années 90 devaient être celles de l’intelligence artificielle. Le MITI, ministère japonais de l’industrie, annonçait même en 1985 qu’il allait inonder le monde de systèmes intelligents basés sur des langages de 5ème génération. Pourtant les années 2000 n’ont pas confirmé ces promesses. Il faut dire que les grands groupes industriels et la crème des ingénieurs étaient occupés à faire converger les télécoms et l’informatique pour mailler la planète à grand renfort de fibre optique et de TCP/IP. C’était d’ailleurs un passage obligé pour implanter les millions de sites WEB aptes à recueillir ce qui manquait pour alimenter les systèmes experts : les données en masse. Car on le sait, un système expert a besoin d’une base de règles, d’un moteur d’inférence mais aussi d’une base de faits. L’IA revient aujourd’hui en force car outre les puissances de calcul colossales et les capacités d’interconnexion qui sont désormais disponibles, l’IA peut disposer d’une quantité phénoménale de données qui sont produites au quotidien par la planète numérique. Partant de là, les futurologues et les marketeurs nous promettent que dans un futur proche, la machine dépassera l’homme dans son domaine de prédilection : l’intelligence.
Intelligence ou intelligences ?
Pourtant, la puissance de calcul, la rapidité d’accès à des données en masse, les progrès de l’algorithmique et du « machine learning » peuvent-ils réellement apporter l’intelligence à une machine ? Et d’abord, de quelle intelligence parle-t-on ?
Il est désormais admis que l’intelligence humaine possède de multiples facettes : intelligence linguistique, musicale, logico-mathématique, spatiale, kinesthésique, personnelle et interpersonnelle, … D’ailleurs, les psychologues ont depuis belle lurette jeté aux orties les tests de QI sensés mesurer l’intelligence humaine sur un seul axe. Alors pourquoi vouloir à tout prix parler au singulier de « l’intelligence artificielle » ?
Même si on se limite à l’axe logico-mathématique, le terme est ambigu. Tant qu’il s’agit de faire des calculs à toute vitesse, l’ordinateur est roi. Mais à très haut niveau, les maths deviennent de l’art et la créativité nécessaire pour décrocher une médaille Fields reste très largement hors de portée de nos IA actuelles. Si on se tourne vers des choses plus concrètes, dans le monde physique où l’homme est là aussi battu par les robots en force et en rapidité, c’est la même chose. Nous sommes encore loin du robot patineur (les robots Skieurs en démonstration aux JO de Pyeongchang sont amusants mais plutôt ridicules). La question de l’équilibre dynamique sera résolue par la multiplication des capteurs, des gyroscopes et commandes mécaniques ultra précises mais là aussi on est loin du robot qui décrochera un 10/10 par son sens artistique et esthétique.
Que faut-il croire ?
Certains futurologues nous disent que « l’intelligence » humaine sera dépassée prochainement par celle des machines. Ils se basent pour cela sur la croissance exponentielle de la puissance de calcul et les progrès de l’algorithmique. Mais ils ne fournissent pas de démonstration scientifique. Par le passé, le mouvement perpétuel en physique et la théorie de toutes les théories en mathématiques ont été invalidés par le second principe de la thermodynamique et le théorème d’incomplétude. Il n’est pas impossible qu’on démontre un jour qu’aucun être non biologique ne peut accéder au niveau d’intelligence globale d’une espèce qui est le fruit d’une évolution Darwinienne de plusieurs millions d’années. Qui sait ? Le numérique aura peut-être prochainement son Stéphan Boltzmann ou son Kurt Gödel de l’IA.
L'auteur :
Thierry Dumoulin est responsable du département Infrastructures numériques et services de proximité au CHU de Nantes. Ingénieur diplômé de l’École centrale de Nantes, où il intervient dans le cursus informatique, il a débuté sa carrière chez un grand constructeur avant de rejoindre les hôpitaux en 1997. Ses différentes missions (direction de projets, démarche qualité…) l’ont conduit à aborder un très large éventail de problématiques dans le domaine du numérique : aspects applicatifs, technologiques, méthodologiques et organisationnels, sécurité des SI.